Table parasismique : la bonne idée ignorée


Source : France Antilles du Mercredi 7 octobre 2015

Les confortements et reconstructions d’écoles avancent à pas de tortue molokoy depuis 2007. Et en attendant, on fait quoi ?

Les promoteurs du projet

Les promoteurs du projet

Ce n’est pas un sujet très vendeur : ni pour l’État, ni pour les élus, ni même pour les syndicats d’enseignants ou les parents d’élèves. Pourtant, la grande majorité de nos enfants n’est
toujours pas à l’abri en cas de séisme majeur. Nous y pensons à chaque petite secousse. Une dizaine chaque année. Puis ensuite, l’angoisse passe…
Depuis que le plan Séisme Antilles a été lancé en 2007, le nombre d’écoles, de collèges et de lycées confortés ou reconstruits se multiplie, avec un succès inégal d’une collectivité à une autre.

Le plan Séisme Antilles 2 prévoit un calendrier rythmes précis des confortements/ reconstructions : rien que pour le primaire, 6 écoles par an en 2015- 2016 et 8 écoles par an de 2017 à 2020. Bien sûr, ce sont les plus vulnérables qui ont fait l’objet de toutes les attentions. Seulement, il y en a encore plusieurs dizaines, et même bien plus d’une centaine, à reconstruire ou à conforter. On ne peut que souhaiter qu’un fort séisme (car il y en aura un, les experts s’accordent sur ce sujet) ne nous touche que dans plusieurs dizaines d’années. Mais si ce n’est pas le cas ?
Cela a été démontré : lorsqu’une poutre de 700 kg est posée sur une table scolaire classique, il n’en reste rien. Et il s’agit bien d’une poutre posée. Au détour des années 2000, l’ingénieur Richard Rosemain, l’architecte Franck Hubert et le ferronnier Christian Nidaud ont inventé une table scolaire parasismique.

PRÊTE DEPUIS 5 ANS
Elle a été testée à l’Institut technologique FCBA (à Bordeaux) : une poutre en béton armé de 732 kg et de 3,5 mètres de longueur a été lâchée à 2,5 mètres de hauteur, avec un angle d’inclinaison de 15°. Après cette torture, le FCBA a noté un « affaissement limité » de la table « permettant la libre extraction de l’enfant réfugié sous le bureau » et reconnaît ainsi une « excellente aptitude » de la table à « assurer la protection des enfants vis-à-vis de la chute d’éléments structuraux en situation de séisme ».

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Par ailleurs, la table est agréée par l’Éducation nationale. Mais qui en veut ? Aucune collectivité n’a réussi à s’engager jusqu’ici. Serait-ce une question de coût ? En 2010, la société Certa, qui appartient à Richard Rosemain et qui développe ce mobilier, a estimé que, avec une commande de 500 pièces, le prix unitaire hors taxes s’élevait à 540 euros (dont 44 euros d’octroi de
mer). Pour deux enfants donc. Il faut savoir que le prix unitaire d’une table scolaire bas de gamme est d’environ 100 euros. Et qu’elle n’a pas une grande durée de vie sous nos latitudes. Avec des commandes suffisantes et en étant bien subventionnés, les promoteurs du projet ont compté que la table parasismique pourrait revenir à 50 euros, soit 25 euros par enfant. Avec une durée
de vie d’au moins dix ans ! C’est un calcul un peu ambitieux, certes.

PROBLÈME D’ARGENT OU DE VOLONTÉ ?
Du côté de l’Etat, il y a peu d’espoir. La plan Séisme Antilles 2 devrait coûter un milliard d’euros, tout confondu, dont environ la moitié serait financée par l’Etat. Cela comprend, outre les bâtiments scolaires, les établissements de santé, les logements sociaux, les casernes de pompiers…
Le principal levier de l’Etat est le Fond de prévention des risques naturels majeurs, dit Fonds Barnier. Seulement, il est étroitement lié à la réduction de la vulnérabilité des bâtiments et ne serait pas prévu pour subventionner du mobilier, selon la cellule centrale interministérielle PSA du ministère de l’Ecologie.
Au niveau de l’Europe, les portes semblent moins fermées. Les programmes opérationnels 2014-2020, désormais gérés par la Région, et par la suite par la CTM, possèdent une mesure intitulée « Diminuer la vulnérabilité face aux risques majeurs ».
En fait, les moteurs d’une telle démarche ne peuvent être que les communes, voire les communautés de commune, ainsi que la future
CTM. Mais est-ce que les collectivités en ont les moyens ? Même si la question est importante, le problème n’est pas là. Il est que la volonté politique à ce niveau-là n’apparaît jamais. On y revient : le sujet n’est pas vendeur auprès des électeurs.
Alors que le projet est désormais bien ficelé depuis 5 ans, pourquoi personne ou presque n’en a connaissance ? Trois communes ont failli être pilote dans cette démarche, mais cela a échoué.
En attendant, les enfants n’ont plus qu’à continuer de faire les exercices prévus dans les textes en vigueur. En continuant de s’abriter sous des tables peu solides, dans des bâtiments dont peu sont fiables.
C. Everard